La Montagne Sainte, Jardin de la Mère de Dieu
La Légende
Selon la légende, la Vierge Marie et Jean l'évangéliste, en route pour rendre visite à Lazare à Chypre, furent forcés par une mer houleuse de chercher refuge dans le port qui est aujourd'hui au pied du monastère d'Iviron, ou pour d'autres à proximité de celui de Vatopaidi.
La Vierge, admirant la beauté sauvage du lieu, demanda à Dieu de lui donner la montagne en présent.
Alors la voix de l'Éternel se fit entendre :
« Que cet endroit soit ton jardin et ton paradis, ainsi qu'un havre de salut pour ceux qui cherchent à être sauvés ».
Depuis lors, le mont Athos est considéré comme un lieu pur (un "abaton"), le « Jardin de la Vierge Marie », inaccessible aux femmes.
Hélas, l'époque moderne, ignorante de ses racines, croit pouvoir confondre cette interdiction avec des choix profanes ou sociétaux. Pourtant, les accusateurs pourraient, sans difficulté, constater la place liturgique centrale de la Vierge Marie, Mère de Dieu, dans la vie monastique athonite, et son omniprésence dans les chants, les hymnes, les dévotions, la vie quotidienne des moines et des ermites.
Loin d'exclure, l'isolement revendiqué de cet espace sacré vise au contraire à sanctifier l'humanité de façon mystique, en invoquant la puissance rédemptrice de Marie.
Les innombrables communautés de moniales, dans le monde orthodoxe et chrétien, témoignent encore de cette même promesse.
La Sainte Montagne
Le Mont Athos, appelé encore par les Grecs la « Sainte Montagne », est une presqu'île étroite au nord de la Grèce, longue de cinquante kilomètres et recouverte de terres cultivées et de forêts. Cette terre dont la Toute-Sainte Théotokos est souveraine, cette « Acropole de l'Orthodoxie » est également une république de moines, où se conserve encore l'esprit de l'ancienne ascèse, une forteresse spirituelle que ni les siècles ni les invasions n'ont pu faire disparaître. Fondé en 963 par Athanase l'Athonite, un jeune moine grec venu d'Asie Mineure, ce haut-lieu de prière compte aujourd'hui plus de vingt grands monastères, une douzaine de skites, de maisons d'ascèse où les moines maintiennent les traditions semi-anachorétiques, et un nombre considérable de cellules, de huttes et d'ermitages blottis dans des grottes ou accrochés aux pentes abruptes et inaccessibles, abritant quelques ermites qui pratiquent un mode de vie héroïque et se livrent à des pratiques de mortification effroyables.
Parler de la dévotion mariale athonite nous semble une entreprise ambitieuse sinon périlleuse. Nous avons opté pour l'emploi du terme culte, qui correspond mieux au caractère particulier de cette étude. La vraie dévotion est surtout intérieure, et en rigueur de terme, elle signifie donation de soi, adhésion d'esprit et de cœur. Alors que le culte n'est que l'extériorisation, la manifestation de cette réalité profonde... Certes, il est parfois malaisé, voire subtil, de vouloir établir une opposition entre les deux termes. Le culte mariai n'est-il pas finalement le jaillissement spontané de cette adhésion intime, de cet élan de tout l'être vers Celle qui est toute « relative à Dieu »?
À L'ATHOS, LA VIERGE EST SOUVERAINE
Il y a quelques années, Athènes offrait le spectacle d'une ville en liesse. C'était comme aux jours de grands rassemblements. Installés le long des boulevards, visiblement émus, les Athéniens saluaient l'arrivée d'une personnalité marquante en visite officielle. Intronisée au Mont Athos, choyée et vénérée par les moines de la Sainte Montagne, cette personnalité n'avait guère quitté son domaine, et n'avait pas encore entrepris de longs parcours, de pénibles trajets. Aussi, un navire de guerre était allé la chercher dans un des monastères de la capitale de la République athonite. Au Pirée, la municipalité, le clergé et une foule immense l'accueillirent au son des cloches des églises et des sirènes des navires. Puis un cortège imposant se forma et se dirigea vers Athènes entre une double haie de soldats au port d'armes. Dès que le cortège atteignit le Portique d'Adrien, des batteries de canon tirèrent des salves...
Les Athéniens saluaient ainsi la Souveraine du Mont Athos, la Toute-Sainte Théotokos, l'icône de la Vierge dite « Axion estin ». Portée ensuite solennellement, au milieu des acclamations et des chants liturgiques jusqu'à la cathédrale orthodoxe où fut chanté un « Te Deum », l'icône de la Panaghia reçut la vénération et les hommages du peuple athénien qui défila sans arrêt devant elle, pendant plusieurs jours. Cette manifestation populaire explique non seulement la souveraineté de la Vierge dans la presqu'île athonite mais également la place de choix qu'Elle occupe dans le cœur des moines et celui du peuple grec. En aucun endroit de la terre le culte de la Vierge n'est aussi vivace qu'à la Sainte Montagne. On se penche souvent sur l'étude de l'Athos comme lieu d'ascèse, de vertu, de recueillement et de prière, mais plus d'un ignore que cette péninsule monastique demeure « le patrimoine particulier de la Théotokos... et son domaine exclusif ».
Pour être valide tout document officiel athonite doit porter l'effigie de Celle qui étend son pouvoir sur toute la Sainte Montagne et couvre de sa protection maternelle tous les moines. En effet, les quatre épistates qui siègent à Karyès, capitale administrative de l'Athos, détiennent chacun le quart du sceau qui doit être apposé à tout acte officiel. Ce sceau représente la Théotokos portant sur ses genoux l'Enfant-Dieu. Et ce n'est que par l'apposition des quatre portions du sceau que tout acte prend valeur juridique.
Il n'est pas inutile également de mentionner que cette souveraineté de la Mère de Dieu assure à l'Athos la clôture la plus parfaite. Car en ce lieu sacré, la Vierge est la seule femme admise. Une interdiction formelle, absolue, barre la route à toute intrusion féminine dans ce domaine mariai, rigueur qui date surtout de la visite de l'impératrice Placidia, fille de Théodose 1ier. Se rendant à Constantinople, elle voulut faire escale au Mont Athos, et s'arrêter au monastère de Vatopédi, fondé par son père. Au moment où elle franchissait le seuil de l'église, une voix l'interpella la clouant sur place: « Tu es bien reine, mais ici demeure une autre reine. Sors de l'église... ».
L'ATHOS, « JARDIN DE LA MÈRE DE DIEU »
Il existe encore un autre titre de la Sainte Montagne dont les Athonites peuvent à juste titre s'enorgueillir. Cette presqu'île monastique est appelée également « Jardin de la Mère de Dieu ».
L'Histoire du monachisme roumain nous apprend qu'un pieux ermite, venu de Palestine, se réfugia dans les montagnes de Roumanie. Il s'appelait Joseph. Puis, un jour, il se décida avec quelques-uns de ses compagnons à se rendre au Mont Athos. Avant qu'ils eussent atteint leur but, la Vierge leur apparut et leur demanda : « Où allez-vous? ». — « Nous nous rendons au Jardin de votre Sainteté », répondirent les voyageurs. Et la Théotokos disparut aussitôt...
Cette appellation de l'Athos est vraiment heureuse, poétique, voire significative, car elle exprime en un style imagé toute la richesse spirituelle d'un pays où la Vierge joue le rôle si délicat de... « Belle Jardinière ». C'est Elle qui protège, assure la croissance spirituelle et veille au plein épanouissement de la semence divine déposée dans les âmes.
UNE CONSTELLATION DE «NOTRE-DAME»
Le Mont marial est vaste... Quand on pointe sur une carte de cette péninsule monastique les églises consacrées à la Mère de Dieu on voit apparaître une sorte de constellation de « Notre-Dame », disséminées sur tout l'Athos. La longueur réduite de notre étude nous interdit de vouloir tout exposer, tout expliquer. Aussi limiterons-nous volontairement notre parcours à la visite pieuse de quelques églises aux multiples appellations. Et c'est déjà faire un beau voyage.
Au cours de son histoire, le Mont Athos a incorporé à sa vie religieuse non seulement tous les mystères de Notre-Dame, mais aussi toutes les interventions miraculeuses par lesquelles la Vierge a soutenu les courages ou distribué ses faveurs.
Sur les vingt couvents de l'Athos, plusieurs sont dédiés à la Mère de Dieu. Mais il existe une poussière de petites églises qui lui sont consacrées sous différents vocables : Galactotrophoussa, la Vierge allaitant; Hodighitria, la Vierge conductrice; Iconomissa, distributrice des grâces; Gorgépikoos, celle qui exauce vite; Coucouzélissa...
Cette dernière se trouve près de l'entrée du couvent de la Grande Lavra, au sud de l'Athos. Elle est dédiée à la Vierge Coucouzélissa, parce qu'elle porte le nom d'un moine appelé Coucouzélis. Celui-ci, chantre apprécié du couvent, s'endormit de fatigue une nuit de Samedi-Saint en chantant les cantiques de la Vierge. Il rêva alors que la Vierge lui avait mis dans la main une pièce d'or pour le remercier et l'encourager à continuer sa louange. A son réveil, Coucouzélis tenait encore la pièce de monnaie dans la main.
Situé sur le versant est de l'Athos, le grand couvent de Vatopédi fête le jour de l'Annonciation. Après avoir été incendié par Julien l'Apostat, ce monastère fut reconstruit par Théodose le Grand. Car un jour, alors que son fils Arcadius se rendait à Rome à bord d'un navire, une violente tempête enleva le jeune prince que l'on retrouva plus tard tranquillement endormi près d'un buisson, à l'endroit où se trouve aujourd'hui Vatopédi. Lorsqu'Arcadius se réveilla, il raconta comment il avait été sauvé grâce à l'intervention miraculeuse de la Vierge. Dès que Théodose eut appris ce miracle, il donna l'ordre d'ériger en ce lieu le monastère de la Vierge, donc à une période très antérieure à la fondation proprement dite de l'Athos.
Nous croyons devoir rappeler ici que dans tous les sanctuaires athonites, comme d'ailleurs dans toutes les églises byzantines, la Théotokos occupe une place éminente dans l'ordonnance du lieu saint. Elle resplendit en effet à la conque de l'abside où elle siège en souveraine.
Au Mont Athos, elle est représentée sous deux types iconographiques. Comme « Mère de Dieu plus élevée que les anges » Marie est assise sur un trône et tient sur ses genoux l'Enfant-Dieu qui de sa main gauche montre le livre de vie et de sa main droite trace le signe de la bénédiction. Tous les deux sont entourés d'anges qui se voilent la face.
Une deuxième représentation de la conque absidiale est le type iconographique de « la Vierge en majesté », car, telle une impératrice de Byzance, elle est vêtue de la somptueuse dalmatique et porte des chaussures rouges. Ce type triomphal de la Théotokos ressemble à l'image hiératique de la « Sedes Sapientiae » qui est une affirmation du dogme de la Maternité divine et de la Royauté de Notre-Dame. Heureuse représentation de l'artiste qui se défend de séparer la Mère du Fils. Leçon et témoignage œcuméniques que ces représentations, puisqu'elles offrent à la fois à la contemplation de tous le Christ et sa Mère, nous mettant ainsi en garde contre toute dévotion à tendance mariolâtrique.
LA VIERGE ET LA PEINTURE ATHONITE
Les peintres athonites qui travaillent sur les murs ou sur le bois voient dans l'exercice de leur art une véritable œuvre pie. Ils ne sont pas très nombreux aujourd'hui. Le pèlerin qui aurait beaucoup de courage pour entreprendre une petite expédition et les voir travailler les découvrirait à Cafsocalivia ou dans les différentes skites de l'Athos.
Ils poursuivent fidèlement la tradition des peintres byzantins. Avant de se livrer au travail, et devant l'image de la Vierge Conductrice, ils récitent, encore aujourd'hui, le Magnificat, plusieurs oraisons, et font ensuite la prière suivante: « Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu... Vous qui avez pris un corps dans le sein de la Vierge Marie pour le salut de l'homme; vous qui avez daigné dessiner le caractère sacré de votre visage immortel et l'imprimer sur un saint voile..., éclairez et dirigez l'âme, le cœur et l'esprit de votre serviteur; conduisez ses mains, afin qu'il puisse représenter dignement et parfaitement votre image, celle de votre très sainte Mère et celle de tous les Saints, pour la gloire, la joie et l'embellissement de votre sainte Église... ». Ensuite, ils se mettent à l'œuvre. Bien souvent ils esquissent leurs tableaux comme de mémoire, sans carton et sans modèle.
Ils s'inspirent presque tous, encore de nos jours, d'un manuel, dit « Guide de l'art de peindre » d'un certain moine Denys qui vécut à l'Athos dans la première moitié du XVe siècle. Dans son ouvrage, il fixe les différents types iconographiques et la composition de certains tableaux. En outre, ce moine-peintre considère la peinture non seulement comme un acte d'adoration, mais également comme un moyen puissant pour exprimer la beauté. L'icône est pour lui comme une sorte de sacramental, et il en reconnaît la toute puissante vertu1.
S'adressant à la Vierge, Denys s'exprime ainsi: « Je désire que votre éblouissante et gracieuse image se réfléchisse sans cesse dans le miroir des âmes et les conserve pures jusqu'à la fin des siècles; qu'elle relève ceux qui sont courbés vers la terre, et qu'elle donne de l'espoir à ceux qui considèrent et imitent cet éternel modèle de beauté ». Désirant retracer plus loin le portrait de la Vierge, Denys relève quelques détails, quelques qualités physiques qui ne sont que le reflet d'une âme rayonnante de vertu et de grâce: « La Très Sainte Vierge était dans un âge moyen. Plusieurs assurent qu'elle avait aussi trois coudées; le teint couleur de blé; les cheveux bruns, ainsi que les yeux. De beaux yeux et de grands sourcils, un nez moyen et de longs doigts... Humble, belle, sans défaut ». Puis cet artiste athonite se heurte lui aussi à l'inexprimable; comme l'auteur du Cantique des Cantiques, il est porté à s'écrier: « Vous êtes belle, ô ma bien-aimée, vous êtes belle ».
La découverte du « Guide » est due à un heureux hasard. C'est Didron, archéologue français et professeur d'iconographie chrétienne à la Bibliothèque royale, qui découvrit le manuscrit, lors de son voyage au Mont Athos en 1839. Il s'empressa de faire copier ce précieux document, et c'est son compagnon de voyage, le R. P. Paul Durand qui le traduisit en 1844.
LES ICÔNES MARIALES
Parmi les icônes du Mont Athos, il n'en est pas de plus répandues, de plus vénérées que celles de la Vierge. Le culte des saintes icônes étant devenu, depuis la querelle iconoclaste, un moyen d'élévation spirituelle et un témoignage de foi, il est naturel que la dévotion mariale se manifeste surtout envers les icônes qui glorifient Marie, le chef-d'œuvre de Dieu.
Sur l'iconostase de chaque église, une place rituelle est réservée à l'image de la Théotokos, à gauche des portes royales, alors que le Sauveur occupe, comme il se doit, le panneau de droite. Nombreuses sont également les icônes mariales qui reproduisent les divers types de l'iconographie byzantine et nous permettent ainsi de refaire par la pensée tout l'itinéraire terrestre de la Vierge. Mais, au Mont Athos, outre ces icônes qui nous permettent de saisir la nuance particulière de la piété et de la théologie mariales byzantines, il en existe d'autres qui sont plus vénérées et devant lesquelles brûlent un plus grand nombre de cierges, de veilleuses. Ce sont les icônes anciennes dites miraculeuses. Il serait fastidieux d'en dresser une liste. Bornons-nous à retracer brièvement l'histoire de quelques-unes d'entre elles.
Notre-Dame de l'« Axion Estin ». — Cette icône se trouve actuellement à l'église de Karyès, au-dessus du trône épiscopal. L'histoire de l'icône, que nous empruntons aux tropaires de la fête se résume ainsi: Un soir, un vieil ermite inconnu vint frapper à la porte de l'ermitage d'un jeune moine pour lui demander l'hospitalité. Pendant l'office de nuit, l'hôte mystérieux, au lieu de suivre les indications du livre liturgique se met à chanter un verset mariai d'une beauté exceptionnelle. Surpris, le jeune moine demande à son hôte les paroles de cette hymne, que celui-ci trace sur une tablette à écrire: «Il est vraiment juste (= Axion Estin) de vous glorifier, ô Vierge bienheureuse et immaculée, Mère de Dieu. Vous êtes plus digne d'honneur que les chérubins, et incomparablement plus glorieuse que les Séraphins, vous qui, restant pure, avez mis au monde Dieu le Verbe: nous vous exaltons ». Après quoi, il disparut. Ce mystérieux « mélode » était l'archange Gabriel. L'icône devant laquelle l'hymne fut chantée pour la première fois reçut de nom d'Axion Estin, et l'antienne mariale est récitée actuellement à la messe et à certains offices.
Notre-Dame des Ibères. — C'est une sainte icône qu'une pieuse femme de Nicée jeta à la mer pour la soustraire aux flammes des iconoclastes. Elle vogua pendant longtemps, et échoua sur la côte athonite. A deux reprises, l'icône recula devant les moines qui accouraient la recueillir. Enfin, Gabriel, le plus saint d'entre eux, parvint à l'avoir en marchant sur les eaux. Considérée comme précieuse, l'icône fut gardée sous clé par les moines. La Vierge s'échappa trois fois, car, dit-elle au caloyer qui l'avait sauvée, elle n'était pas « venue pour être protégée, mais pour les protéger ». Aussi, depuis ce jour-là, elle se trouve déposée à l'entrée principale du monastère des Ibères. C'est la raison pour laquelle elle s'appelle également Portaïtissa, Gardienne de la Porte.
La Vierge aux trois mains. — Selon la légende, saint Jean Damascène, le grand défenseur des images, eut la main droite coupée par les iconoclastes. Plein d'espérance dans la Théotokos, il appliqua son bras mutilé contre les lèvres de la Vierge représentée sur un tableau. La main du saint repoussa miraculeusement. En signe de gratitude, saint Jean de Damas offrit à la sainte icône une main d'argent et depuis lors la Vierge est appelée en grec « trihéroussa », c'est-à-dire « à trois mains ». Elle se trouve au monastère serbe de Hilandari.
Tous ces faits miraculeux, à l'occasion enjolivés de variantes, si contestables parfois qu'ils nous paraissent, alimentent pour une part la vie religieuse de certains moines, mais révèlent également l'âme religieuse d'un peuple dont l'amour pour Notre-Dame éclate en de touchants témoignages de foi, de fidélité et de ferveur.
UNE LITURGIE MARIALE
La liturgie est l'expression de l'âme athonite, de l'âme orthodoxe. Silhouetter en quelques traits le contenu et la richesse, la variété et la poésie d'une liturgie toute mariale est une impossible entreprise. Il nous faudrait le secours des textes, la splendeur des rites accomplis, l'enchantement des chœurs, le cadre enveloppant des cérémonies pour en saisir toute la portée. A peine tenterons-nous ici une rapide évocation, intelligible seulement à ceux qui ont vu et entendu.
Dans les monastères de vie commune, la célébration de l'office et de la messe est strictement suivie.
— Le premier office, le Messonyctikon ou Office de Minuit, comprend un nombre important de tropaires ou strophes hymnographiques à la Vierge, appelées Théotokia. A titre d'exemple, voici le premier Théotokion du Nocturne: « Nous vous supplions, ô Vierge, Mère de Dieu,... rappelez à sa véritable destinée surnaturelle ce monde qui vous appartient; fortifiez les âmes pieuses, intercédez pour la paix du monde, parce que vous êtes, ô Théotokos, notre espérance ».
— Dès le début de l'Orthros, c'est-à-dire des Laudes, on demande à Marie de protéger ceux qui gouvernent le pays. Notons également que les offices se terminent généralement par le tropaire « Axion Estin », cité plus haut. Quant aux Petites Heures et aux Vêpres, il nous faudrait des pages entières pour révéler l'abondance et la richesse des Théotokia, variables suivant les jours de la semaine et les fêtes liturgiques.
— La messe du rite byzantin est bien plus mariale que celle du rite romain. Il suffirait de compter le nombre de fois où est invoquée la Vierge pour réaliser l'extraordinaire importance d'intercession qui lui est accordée (voir Bulletin 213 p. 337).
— Les offices votifs de la Vierge sont de toute beauté. L'office Acathiste est un poème de vingt-quatre stances, suivie chacune de douze salutations à Marie. Dans sa forme réduite, cette hymne est chantée à l'Athos pendant l'Orthros du Samedi matin. Alors que dans toutes les autres églises de la Grèce cette hymne se chante en entier le samedi de la cinquième semaine du Carême.
— Citons également deux autres offices votifs bien populaires: le « Petit Canon paraclétique ou de supplication » et le « Grand Canon paraclétique à la Toute-Sainte Théotokos », chanté en la fête de l'Assomption."
Frère Pierre Foscolos (Athènes)
Bulletin de l'Institut, vol. XXIX, n. 214, décembre 1971, Pp. 369-377
Site des Frères Maristes
http://www.champagnat.org/500.php?a=6b&id=3000