Aoste
Monastère de la Mère Miséricordieuse
Verres
Terre pittoresque de montagnes, vallées riches d'histoire et de traces suggestives des ferments sociaux et religieux qui ont accompagné les événements séculiers d'où est née la réalité actuelle : tel est le visage qui se montre au touriste de passage dans la Vallée d'Aoste.
Une région apparemment enfermée au milieu des sommets les plus hauts des Alpes : et toutefois, dès le troisième millénaire av. J.-C., carrefour entre l'Europe du Centre-Ouest et la plaine du Pô, lieu privilégié d'échange et dans le même temps, gardien des traditions les plus profondes de la foi chrétienne.
L’histoire religieuse de la Vallée est tenacement ancrée dans un patrimoine ancien de valeurs qui ont fermement maintenu, tout au long des siècles, les racines d'une société en évolution constante.
Ce qui ne l'a pas empêchée de relever les défis urgents qui s'imposent au christianisme dans la civilisation alpine, si radicalement transformée dans sa physionomie et dans ses rythmes de vie.
L'invitation que nous adressons aujourd'hui au pèlerin qui parcourt cette terre à la recherche d’évènements culturels et de suggestions spirituelles est de la regarder avec des yeux neufs et attentifs, afin de découvrir non seulement les beautés de sa nature et de ses œuvres d’art mais aussi ses anciens « chemins de la foi ».
Mgr Joseph Anfossi, Évêque d’Aoste.
LE CHEMIN DU CHRISTIANISME DANS LA VALLÉE D'AOSTE
Verres – Paroisse et prévôté de Saint-Gilles des Chanoines réguliers du Latran
L’étape décisive pour l'histoire de la Vallée d'Aoste est celle de la fondation d'Augusta Praetoria en 25 av. J.-C. Selon toute probabilité, c'est précisément à travers la célèbre route romaine des Gaules qu'arrive à Aoste, de la zone de Milan et de Verceil, la première annonce de l'Évangile. L'influence exercée dans ce sens par Eusèbe de Verceil, premier évêque du Piémont et promoteur de la christianisation dans l'Italie du nord-ouest, est désormais incontestable.
La fondation du diocèse d'Aoste date du passage entre le IVe et le Ve siècle. Des données certaines sur la présence chrétienne (451 ap. J.-C.) concernent les premiers évêques, Eustase, Grat (patron du diocèse, fête le 7 septembre) et Joconde. La connaissance de l'époque paléochrétienne est complétée par la très riche documentation archéologique (deux ensembles monumentaux, la cathédrale primitive et l'église funéraire hors les murs).
C'est probablement au cours du haut Moyen-Âge que naît l'organisation diocésaine, par la création des circonscriptions paroissiales. Et c'est à cette époque-là (VIIe-VIIIe siècle) que vécut le célèbre prêtre Ours, vénéré surtout dans l'église Collégiale et dans le bourg qui portent son nom.
Par son insertion dans la zone politique des Gaules, vers la fin du Ville siècle, le diocèse d'Aoste fera désormais partie de la nouvelle province ecclésiastique de Tarentaise, à laquelle il appartiendra pendant plus d'un millénaire (ce n'est qu'en 1862 qu'elle deviendra suffragante de Turin), en conservant, tout au long des siècles, un caractère "transalpin" très marqué, par exemple dans le culte des saints. En ce qui concerne les usages liturgiques, signalons que le diocèse d'Aoste suivit un rite particulier qui resta en vigueur jusqu'à 1828, comme l'attestent les plus de 450 codes manuscrits qui ont été conservés.
Les tendances romanes, présentes dans plusieurs églises rurales, s'expriment au plus haut degré dans les reconstructions de la Cathédrale et de la Collégiale Saint-Ours pendant l'épiscopat de l'évêque Anselme (994-1025). C'est l'époque de l'apostolat de saint Bernard (mort en 1081), fondateur des célèbres hospices, dont le message d'accueil s'est concrétisé, jusqu'au-delà du Moyen-Âge, par les nombreux "hôpitaux" qui, le long des routes de la vallée, accueillent les voyageurs et pèlerins de passage. Mais le personnage qui honore davantage la Vallée d'Aoste est saint Anselme (mort en 1109), abbé du Bec et archevêque de Canterbury, docteur de l'Église.
La religiosité des siècles médiévaux est caractérisée par la floraison dans le diocèse de certains instituts : les bénédictins de Fruttuaria, les chanoines du Grand-Saint-Bernard, les augustiniens de la Prévôté de Verrès, les chanoines réguliers de la Collégiale de Saint-Ours, les mineurs conventuels et, seul ordre féminin du XIIIe siècle, le monastère de Sainte Catherine.
Peu avant la moitié du XVIe siècle, certains notables de la ville ainsi que certaines paroisses furent impliqués dans les nouveautés luthériennes et calvinistes ; ces dernières furent combattues par les évêques valdôtains de ce temps-là, en particulier par le cardinal Marc' Antonio Bobba, protagoniste actif du concile de Trente.
Le XVIIe siècle représente l'apogée de la vie religieuse locale, comme en témoignent les centaines de chapelles rurales, édifiées essentiellement au cours de ce siècle, après la grave épidémie de peste de 1630. Le climat de ferveur de cette période favorise l'apparition d'autres monastères féminins - tels ceux de la Visitation et des sœurs de Lorraine - ainsi que des Capucins, tandis que la spiritualité soutenue par saint François de Sales se répand aussi dans la Vallée d'Aoste dans certaines couches du clergé et du laïcat.
La deuxième moitié du siècle est caractérisée par le long épiscopat de Monseigneur Albert Bailly (mort en 1691), au cours duquel se manifestent avec le plus d'évidence des tendances gallicanes et rigoristes. Bailly laissa une trace profonde dans la formation culturelle du clergé, qu'il stimula lui-même par son activité d'homme de lettres, de poète et d'orateur.
Au cours de l'épiscopat de Pierre-François de Sales (mort en 1783), neveu de saint François, c'est la tendance à la spiritualité qui prévaut, ses protagonistes étant, entre autres, Pierre Bréan et Jean-Antoine Pellissier. Les expériences érémitiques se multiplient ; quant à la religiosité populaire, elle se traduit par de nouvelles formes (processions, pèlerinages, confréries) qui dureront jusqu'à la moitié du XXe siècle.
La révolution française eut pour conséquence, en 1803, la suppression du diocèse et son rattachement à celui d'Ivrée. À dater de sa restauration en 1817, et pendant tout le siècle, l'Église valdôtaine perdra peu à peu sa forme traditionnelle.
Entre le XIXe et le XXe siècle, c'est l'évêque joseph-Auguste Duc qui domina la culture valdôtaine par sa présence imposante, notamment dans le secteur de l'historiographie locale. Et c'est au cours de cette période qu'apparaissent, dans la Vallée aussi, les premiers signes du catholicisme social dont les partisans les plus ardents sont les jeunes prêtres du presbytère diocésain.
Déterminante, à partir de la fin du XVIIIe siècle déjà, est la contribution apportée par l'Église à l'éducation, comme le témoigne la création des innombrables écoles de village confiées aux soins du clergé. Quant aux études supérieures, dès 1597 avait été institué le Collège Saint-Bénin, confié aux pères lorrains, puis aux barnabites : c'est dans ce Collège que se formera la classe dirigeante valdôtaine jusqu'à la fin du XIXe siècle.
L'histoire religieuse du XXe siècle ne peut être disjointe des changements survenus suite à l'industrialisation, à l'immigration et à la laïcisation, qui ont radicalement modifié l'aspect de la société valdôtaine. Ainsi, l'Église locale a été durement marquée par les événements de la période entre les deux guerres mondiales et par ceux de l'après-guerre, dans la tentative de surmonter, bien que clans des perspectives différentes, les divergences conflictuelles qui se manifestaient dans la société civile, dans un esprit de fidélité absolue envers l'Église.
Parmi les manifestations religieuses les plus significatives de ces dernières années, rappelons la célébration du Synode diocésain (1988-1993) qui a orienté l'Église valdôtaine vers de nouvelles perspectives pastorales.
Paroisse et Prévôté de Saint-Gilles des Chanoines Réguliers du Latran, Verrès;
texte : diocèse d'Aoste.
Pavie